**Chapitre 1 _Le trou noir que je déposais sur toi**
Je m'appelle Eliott.
14 ans.
Et chaque jour au collège est un champ de mines.
Samuel est la mine.
Moi, je suis celui qui saute dessus sans le vouloir.
Tout a commencé en 6e.
J'étais le nouveau, petit, lunettes, voix qui mue pas encore.
Samuel, lui, était déjà grand, fort, avec ce sourire qui fait froid dans le dos.
Au début, c'était des blagues.
« Eh le nain, passe-moi ton stylo. »
J'ai passé.
Puis ça a dégénéré.
Chaque matin, il m'attend devant le portail.
Il me pousse contre le grillage.
Ses potes forment un cercle.
Il me prend mon sac, le retourne, tout tombe.
Cahiers piétinés.
Sandwich écrasé.
« Ramasse, microbe. »
Je me mets à genoux.
Il pose son pied sur ma main.
Il appuie.
Lentement.
Je sens les os qui grincent.
Je mords ma lèvre pour pas crier.
« Plus vite, ou je t'écrase comme une merde. »
Les autres rigolent.
Je ramasse en tremblant.
À la cantine, il s'assoit en face de moi.
Il prend mon plateau.
Il verse mon jus sur mes frites.
« Oups. T'aimes les frites mouillées, hein ? »
Il me force à manger.
« Avale, ou je te gave comme un oie. »
Je mâche.
J'avale.
Le goût de carton et de larmes.
L'après-midi, dans les toilettes.
Il me traîne par le col.
Il ferme la porte.
Il me plaque contre le mur.
Coup de poing dans le ventre.
L'air sort d'un coup.
Je plie.
Il me redresse par les cheveux.
« Regarde-moi quand je te parle. »
Il cogne la tête contre le carrelage.
Du sang coule.
Il sort son téléphone.
Il filme.
« Pleure, vas-y. Montre ta gueule de chochotte. »
Il poste.
Tout le collège voit.
Le soir, les messages arrivent.
« T'es une merde, Eliott. »
« T'aurais dû te laisser écraser. »
« Demain on recommence. »
Je rentre chez moi.
Je cache les bleus.
Je dis à ma mère « j'suis tombé ».
Je pleure sous la douche.
Je prie pour être malade demain.
Pour ne pas y retourner.
Mais je retourne.
Tous les jours.
Parce que je sais pas faire autrement.
Jusqu'au jour où je craque.
Où je montre tout au CPE.
Où je pleure devant les adultes.
Où je dis « j'en peux plus ».
Samuel est exclu.
Définitivement.
Il passe devant moi dans le couloir.
Pour la première fois, il baisse les yeux.
**a suivre...**