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Chapter 27 - La photo de classe

**La photo de classe**

Tu as sept ans.

C'est la photo de classe.

Tout le monde sourit.

Toi aussi, tu souris.

Un grand sourire forcé, les dents serrées, parce que la maîtresse a dit : « Allez, on fait beau pour les parents ! »

Tu es au premier rang, au milieu.

À ta gauche : Lucas, ton meilleur ami.

Il te fait une grimace.

À ta droite : la petite Camille, qui te tient la main en cachette.

Tu gardes la photo précieusement.

Tu la regardes tous les soirs avant de dormir.

Tu te dis :

« C'est le plus beau jour de ma vie. »

Vingt-cinq ans plus tard.

Tu as trente-deux ans.

Tu ranges des vieux cartons.

Tu retrouves la photo.

Tu souris.

Tu la regardes longtemps.

Et puis tu remarques quelque chose.

Quelque chose que tu n'avais jamais vu.

Au fond de la classe, derrière tout le monde.

Il y a un enfant.

Tout seul.

Debout.

Il ne sourit pas.

Il te regarde droit dans les yeux.

Il a ton visage.

Mais en plus vieux.

Trente-deux ans.

Exactement ton âge aujourd'hui.

Il porte un costume noir.

Il a les yeux vides.

Et dans ses mains, il tient la même photo.

Tu retournes la photo.

Au dos, une écriture que tu reconnais.

Ta propre écriture.

« Si tu lis ça, c'est que tu as oublié.

Je suis venu te chercher.

C'est l'heure.

On rentre. »

Tu sens le froid.

Tu comprends.

Tu n'as jamais eu sept ans.

Tu n'as jamais été sur cette photo.

Tu es l'enfant du fond.

Celui qui attend depuis vingt-cinq ans.

Celui qui n'a jamais pu partir.

Parce que toi, l'enfant de sept ans,

tu es mort ce jour-là.

Pendant la photo.

Crise cardiaque.

Personne ne s'en est rendu compte.

Tout le monde souriait.

Toi aussi.

Et depuis, tu attends.

Dans la photo.

Que l'adulte que tu n'as jamais pu devenir

vienne enfin te chercher.

Tu poses la photo.

Tu te lèves.

Tu vas dans la chambre de ton fils.

Il a sept ans.

Il dort.

Tu le regardes.

Tu souris.

Tu sais ce que tu vas faire demain.

Tu vas l'emmener à l'école.

Pour la photo de classe.

Tu seras au premier rang.

Tu souriras.

Et lui,

il sera au fond.

Il attendra.

On croit qu'on grandit.

On croit qu'on avance.

Mais certains enfants ne partent jamais.

Ils restent là.

Dans la photo.

Dans le sourire figé.

À attendre qu'on vienne enfin les chercher.

Et quand on devient parent,

on comprend trop tard :

parfois,

le seul moyen de les libérer,

c'est de prendre leur place.

Alors on sourit.

On dit « Cheese ».

Et on reste.

Pour toujours.

**fin...**

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