TILDA, depuis trois jours, avait mal dormi. Son fils unique était entre la vie et la mort et elle avait peur pour lui. Malgré tous les efforts de son mari pour la consoler, elle n’en demeurait pas moins stressée à chaque fois qu’elle pensait à Déon .
Déon était un garçon plein de vie, mais tout bascula après sa cérémonie d’éveil à l’âge de 5 ans. Dépourvu d’attributs, il avait été rejeté par les enfants de son âge et était sujet de moquerie. En tant que parent, elle avait dû apporter beaucoup de soutien à son fils afin d’éviter qu’il ne devienne dépressif. Son mari Nox avait aussi fait de son mieux, notamment en devenant chef du village pour pouvoir pleinement protéger sa famille.
Cependant, ils savaient tous les deux que leur protection avait une limite. Si Déon lui-même ne faisait pas d’effort pour se surpasser et outrepasser sa condition, il lui serait difficile de supporter les obligations de la vie d’adulte qui l’attendait après ses 16 ans.
Ce matin-là, comme d’habitude depuis ces trois derniers jours, Tilda s’occupait de quelques tâches quand elle entendit des bruits venant de la chambre où se trouvait Déon. Des scénarios de réveil de son fils se jouaient déjà dans sa tête et, sans plus attendre, elle se précipita vers la chambre. Ouvrant la chambre avec précipitation, juste devant elle se trouvait son fils. En le voyant en vie et l’air en forme, toute la tension qu’elle avait accumulée au cours de ces derniers jours s’était évaporée. Les yeux larmoyants, elle courut aussi vite qu’elle put pour le serrer dans ses bras.
Sur le moment, Déon ne savait même pas quand il avait prononcé « maman ». Le mot était sorti si naturellement que c’en était effrayant.
"Déon, tu vas bien ? Tu as mal quelque part ? Que diable s’est-il passé ?"
Déon était assailli par maintes questions venant de sa mère. Tellement perturbé, la seule chose qu’il put dire était qu’il allait bien afin de la rassurer.
"Peux-tu marcher ? Ne te force surtout pas ", lui dit-elle en l’aidant à se relever du sol.
" Heu... maman... Ça peut aller. Je peux marcher seul ", lui répondit-il avant de commencer à suivre sa mère en direction de la salle à manger où se trouvait son père.
Patrick, au début, était réticent, mais après avoir senti la chaleur de la mère de Déon et vu l’inquiétude sur son visage, il avait décidé de considérer sa nouvelle famille comme la famille qu’il n’avait jamais eue.
Il ne pouvait pas leur dire qu’il n’était pas leur fils, car il ignorait les conséquences que cela engendrerait. Mieux valait être prudent. De plus, il ne pouvait pas vraiment remplacer Déon, mais il avait pris la décision de faire tout ce qu’il fallait pour les rendre fiers, en mémoire de Déon.
De son côté, Tilda avait remarqué les changements fulgurants de Déon. Même avec ses propres parents, Déon était trop timide. La plupart du temps, il ne répondait qu’en faisant des signes de tête. Rares étaient les moments où il parlait, mais là, il avait eu une discussion avec elle. Elle était contente et très fière, mais aussi très curieuse de connaître ce qui avait causé ce changement.
"Chéri, Déon s’est réveillé ! " cria Tilda avant qu’elle et son fils n’arrivent à la salle à manger. Pendant ce temps, Déon, qui était en admiration face à l’architecture et la configuration de la maison, n’avait même pas remarqué qu’ils étaient déjà dans la salle à manger.
"Alors, tu es réveillé ?"
La voix rauque de Nox venait de ramener Déon à la réalité.
"Oui, père, dit-il " avec une petite voix. Il paraissait minuscule devant son père et ne savait pas comment s’y prendre avec un tel personnage.
Après s’être assis et avoir pris le petit déjeuner, Nox lui demanda alors comment il s’était retrouvé à moitié mort en bas de cette montagne. C’est alors qu’en se référant à ses souvenirs, Déon lui expliqua comment il avait entendu la conversation de Théo, en expliquant finalement la façon dont il était tombé de la montagne à cause d’un glissement de terrain...
"Déon, je t’ai toujours dit de ne pas choisir la voie de la facilité. Il n’y a pas de raccourci pour devenir fort. Un héritage d’héros ? Ne sais-tu pas que les reliques héroïques choisissent leurs propriétaires ?"
"Oui...", marmonna-t-il, ne sachant pas quoi répondre.
"Chéri, c’est bon, il a compris. Il vient de se réveiller, arrête d’abuser. L’important, c’est qu’il aille bien ".
Nox hocha la tête pour approuver les dires de sa femme avant de quitter la maison. Lui aussi avait remarqué le petit changement chez Déon.
Après le départ, ce fut au tour de sa mère de lui laisser quelques directives avant de partir pour le travail. Tilda possédait un pouvoir de guérison, donc elle travaillait dans l’hôpital du village.
Ding...!
[Votre intelligence a augmenté de +20], une notification venait d’apparaître devant ses yeux.
Il était perplexe. Son intelligence avait augmenté... Pourtant, il n’avait rien fait qui sortait de l’ordinaire jusque-là. Peut-être parce qu’il détenait des connaissances d’un autre monde...
Le silence régnait dans la pièce. Il avait envie de voir à quoi ressemblait la fameuse fenêtre de statut, alors il prononça :
"Fenêtre de statut ".
Et là, comme par magie, la fenêtre de statut venait de s’ouvrir.
[Nom :] Déon
[Espèce :] Humain
[Rang :] F
[Valeur d’expérience :] 0 / 100
[Force :] 5
[Agilité :] 4
[Mana :] 10
[Endurance :] 5
[État :] Normal
[Intelligence :] 10 + 20
[Chance :] 10
[Attributs :] Neutre (Aucun)
[Arbre de compétences : Compétence innée]
1 - [Amélioration des sens (19,5 %) :] E
[Titre :]
[Profession / classe :] Mage
"Merde, mes stats sont pathétiques... ", pensa-t-il avant de porter un regard sur ses attributs et ses compétences.
"Hmmm, je n’ai pas d’attributs et cette compétence... On dirait que j’ai du pain sur la planche. Commençons déjà par essayer cette compétence ".
C’est ainsi qu’il activa l’amélioration des sens. Peut-être parce qu’il n’avait pas eu de pouvoir, mais même le fait de pouvoir améliorer un peu ses sens lui paraissait déjà énorme.
" De ouf, je peux entendre aussi loin ? Même les yeux, j’ai l’impression qu’ils peuvent zoomer. C’est une sensation très étrange, on dirait un pouvoir fait pour espionner. Sinon, rien qui ne sorte de l’ordinaire ".
En apercevant 19,5 % devant sa compétence, Déon se demandait ce qu’il adviendrait s’il atteignait les 100 %. Mais pour l’instant, il devait réunir assez d’informations sur ce monde afin de commencer à planifier la suite, car il rêvait déjà grand.
Après s’être douché, Déon enfila un vêtement ample, prit un petit sac. Il voulait se rendre à la bibliothèque du village. C’était le moyen le plus rapide d’apprendre les règles de ce nouveau monde et d’acquérir pas mal de connaissances.
Une fois complètement prêt, il prit un grand souffle et sortit de la maison.
Waouh !
Le paysage était beau à couper le souffle. C’était la première fois qu’il sortait et voyait de ses propres yeux cet autre monde. Plus haut, dans le ciel, volaient de drôles d’oiseaux, l’architecture des maisons s’apparentait à celle de l’ère médiévale. Il pouvait voir des champs, des fermes, une forêt et quelques montagnes au loin. Tout ce qu’il voyait l’émerveillait au point qu’on le prendrait pour un gamin.
Après quelques minutes passées à admirer le paysage, Déon ferma soigneusement la porte de la maison avant de se diriger vers l’endroit où se trouvait la bibliothèque.
Trop de regards étaient braqués sur lui sur la route. Certains se chuchotaient des choses, il pouvait les entendre s’il activait sa compétence, mais il n’était pas si curieux. Leurs visages étonnés trahissaient déjà leurs pensées. Il se contenta de saluer les plus âgés qu’il croisait.
Après environ dix minutes de marche, il atteignit la bibliothèque. Le bâtiment n’était ni trop grand ni trop petit, mais il semblait un peu abandonné. Après s’être introduit dans le bâtiment, il aperçut la bibliothécaire assise dans son bureau en train de lire un livre.
De loin, elle semblait être une femme d’âge mûr, plutôt bien conservée, avec un visage soigné. Au niveau de son œil droit se logeait un monocle doré qui lui donnait l’air d’être une femme bourrée de sagesse.
En s’approchant du bureau de la dame, Déon ajusta sa posture ainsi que sa démarche pour paraître plus présentable.
"Bonjour Madame ", dit-il en jetant un coup d’œil au livre qu’elle tenait en main.
" Et mais qui vois-je ? Déon ? Qu’est-ce que tu fais ici ? " demanda-t-elle en le scrutant de plus près. Est-ce que c’est ta mère qui t’envoie ?
"Heu... Non, je suis venu pour lire quelques livres ", répondit-il en faisant un petit sourire.
La bibliothécaire, Mme Jeanne, était une noble déchue qui, à cause de circonstances particulières, avait dû s’installer dans ce village. Cette bibliothèque était la sienne. En tant que noble, elle possédait une quantité impressionnante de livres qui abordaient différentes thématiques. Depuis qu’elle avait ouvert cette bibliothèque, elle pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre de personnes qui la visitaient par mois. Et parmi les rares visiteurs réguliers, aucun enfant.
" Savait-il lire ? " se demandait-elle en voyant l’enfant tourner la tête de gauche à droite. Peu d’enfants de la plèbe savent lire. La vraie éducation était un privilège réservé aux nobles.
" Mais veux ou pas, il reste l’enfant de Tilda, ce ne serait pas très étonnant s’il savait lire ", pensa-t-elle avant de commencer à lui donner les consignes à suivre dans la bibliothèque.
Déon, après avoir fouillé les étagères pour trouver des livres sur la géographie, l’histoire, la botanique et la zoologie, se mit à les étudier. C’était la première fois qu’il voyait ces types de caractères, mais il les déchiffrait sans difficulté. Patrick et Déon étaient dorénavant la même personne, même leurs connaissances avaient fusionné.
Depuis son bureau, la bibliothécaire observait Déon, concentré sur les livres, avec un sourire amusé.
" Le voir lire si assidûment comme ça me rappelle des souvenirs ", pensait-elle en regardant dans une direction, les yeux vides.