Les yeux fermés, assis en tailleur dans une petite carriole, Thosm de Dorïn laisse son pouvoir glisser au plus loin possible, à la recherche d'éventuels feux follets. Il est un parfait produit des protecteurs de la Flamme éthérée, un mage de bataille dont les dons se manifestent sous des formes toujours plus complexes, toujours plus élégantes, vives et impétueuses, discrètes et toujours renouvelées.
En cet instant, tandis qu'il crée un territoire au sein duquel toute source de chaleur est répertoriée dans son esprit, il cherche les traces d'un éventuel filon cristallin, d'une brèche vers une poche d'énergie et de tout ce qui pourrait mettre en péril la réussite de cette expédition avant même qu'elle n'atteigne son objectif.
Ainsi il étend son pouvoir jusqu'aux autres mages sous ses ordres qui, équipés d'artefacts dont les Dorïn gardent jalousement le secret, mêlent leur pouvoir au sien et lui permettent de voir et sentir plus loin. Plus précisément, aussi.
Sa conscience glisse entre les montures, sous les arbres, au détour des collines et s'insinue dans tous les interstices que la terre offre. Il scrute les fissures, caresse les failles, se dilue aux alentours des esprits pour les enrober d'une chaleur bienveillante. Les feux follets ne sont pas agressifs, mais ils sont particulièrement peureux et ne sentent la présence des hommes que lorsqu'ils sont trop proches, trop grands, trop menaçants pour des créatures si fragiles.
Et puis, qui sait ? Peut-être un phénix se cache-t-il au plus profond de la roche, sous un amas de feu, dans l'attente d'une renaissance prochaine !
Alors Thosm étire un peu plus sa conscience, l'affûte sans la rendre tranchante… mais non, toujours rien. Rien d'inattendu, rien d'extraordinaire. Seulement quelques entités mineures, çà et là, pour ponctuer la route.
Il soupire malgré lui : la trentaine de sang-dragons qui ont rejoint l'expédition sont presque plus intéressants à observer, avec ces deux feux qui les habitent, l'un similaire à celui de tous les hommes et l'autre sauvage, ancien, comme hérité du premier des leurs.
Seule la plus jeune d'entre eux, la petite Saïna, ne montre que le feu des hommes… Et puisque les sang-dragons sont aussi loquaces sur leur sang que les Dorïn sur leurs artefacts, Thosm ne sait même pas si le second feu s'éveillera un jour.
Un nouveau soupir avant qu'une terrible masse de feu n'effleure son territoire droit devant lui, loin à l'ouest. Qu'est-ce que ? Le mage fronce les sourcils et réduit les franges latérales de son domaine. Un phénix, peut-être ?
Il inspire, contient son pouvoir dans un cône trop étroit et trop court. Il va déborder, mais Thosm doit attendre. Il faut que la chose effleure de nouveau son espace pour qu'il le laisse exploser et prenne mesure de ce qu'elle est. Il attend quelques instants et, lorsqu'il sent de nouveau la flamme terrible glisser près de lui, il relâche son pouvoir pour l'englober.
C'est immense, beaucoup plus qu'une carriole, et d'une densité folle. Le pouvoir de Thosm glisse sur la bête, sur les ailes, sur ses deux pattes, mais il ne parvient à rien de mieux… Une wyverne. Le mot s'inscrit dans son esprit et, au même instant, la bête semble prendre conscience du mage.
Une boule d'un feu nouveau commence alors à grossir en elle. La sphère grossit et chauffe, si bien qu'il semble à Thosm qu'il pourrait la toucher s'il levait les bras. Soudain la wyverne se contorsionne en une vrille et souffle l'enfer en direction du mage, qui sent sa conscience être noyée dans les flammes.
Il est de retour dans la carriole l'instant d'après, le corps trempé de sueur et les vêtements collés à la peau. Il palpe par réflexe son visage et son torse, mais rien n'a changé. Aucune cloque, aucune plaie… Seulement l'empreinte des flammes dans son esprit et la conviction que la wyverne l'a senti et a choisi quand le repousser.
Il faut qu'il en parle au reste du commandement.
Il va pour se lever, mais ses jambes se dérobent sous lui et il s'écrase dans les coussins disposés autour.
Il faudra qu'il en parle au reste du commandement.