"Je suis très sérieuse Shauwn" insista Astrid.
"Je le sais très bien, ne vous inquiétez pas je n'ai pas l'intention de l'y faire participer de toute façon" continua Shauwn euphorique.
"Bien, alors continuons sur le plus important : tu es très spécial de par le sang qui coule dans tes veines, tu es destiné à réaliser de grandes choses."
Spécial du fait de son sang ? Cela pouvait signifier beaucoup de choses mais Shauwn ne prêta pas attention, c'est lorsqu'elle parla de réalisation qu'il tiqua.
"Loin de moi de douter de vos dons mais je peux déjà vous dire que bien qu'en étant jeune j'ai eu à réaliser de grandes choses comme vous le dites et voilà où j'en suis... croyez-moi rien de gratifiant, c'est plutôt le contraire" ajouta-t-il dégoûté de ses propres actions.
La mère de Lily ne comprenait pas vraiment de quoi il parlait ni à quoi il faisait référence car elle parlait plutôt de l'avenir. Vu sa réaction, elle préféra ne pas creuser davantage ni le questionner à ce sujet.
"Retiens juste que rester ici t'entrave, c'est seulement lorsque tu rencontreras l'homme à la rune que tu t'en rendras compte et là tout se mettra en marche."
Les yeux de Shauwn s'écarquillèrent comme s'il venait d'avoir une révélation. Est-ce vraiment une coïncidence ? Le surveillant n'avait-il pas lui aussi un tatouage de rune ? Il devait en avoir le cœur net.
"Est-ce que c'était un mélange de runes celtiques et autres ? L'homme portait un costume ? Les runes sont sur l'envers de sa main ? Oh je comprends... il est passé par ici pour que vous puissiez me convaincre, n'est-ce pas ?"
"Tu ferais mieux de te détendre, personne du genre n'est ici, même si tu l'as déjà rencontré alors tout est déjà en marche et avant que tu me demandes quoi tu devrais aller en parler avec Lily, tu verras plus clair, avec son don pour la peinture combiné à nos visions partagées."
"Une dernière chose, le futur peut être changé mais la destinée finit par s'accomplir peu importe comment on s'y oppose."
À ces mots Astrid se leva, lui sourit et retourna à la caisse tout en le regardant curieusement.
Shauwn se leva, un peu perturbé après la vision et les paroles que lui avait adressées la propriétaire des lieux. L'odeur de l'encens de la pièce l'aida à s'apaiser.
Le futur peut être changé mais le destin finit par s'accomplir.
Il lui exprima sa reconnaissance à travers des gestes respectueux et s'en alla à l'atelier de l'arrière-boutique où se trouvaient Claire et Lyli.
Les deux jeunes femmes étaient debout dans l'arrière-boutique. Il y avait Lyli qui expliquait une de ses toiles en réajustant ses grosses lunettes et Claire qui la regardait, les bras croisés, avant qu'il ne fasse irruption dans la pièce.
"Shauwn !! Viens voir ça, on dirait que tu es la star au centre de ces nouvelles œuvres" dit-elle d'un ton moqueur.
Au milieu de la pièce se trouvait Lyli, une jeune femme rousse, en survêtement. Elle portait de grosses lunettes en forme circulaire qui dépassaient souvent du bout de son nez, peinant à trouver l'équilibre dessus. Ses cheveux étaient attachés en deux couettes tressées.
Contrairement à sa mère aux allures de gitane, Lyli dégageait quelque chose de plus moderne. Dès qu'elle l'aperçut elle lui sauta dans les bras. Shauwn l'accueillit chaleureusement dans les siennes.
"Qui aurait cru que tu viendrais aujourd'hui ! Figure-toi que je réfléchissais à passer au Diner mais comme les interactions humaines ont tendance à me drainer, même quand je mets les pieds dehors" affirma-t-elle, la voix pleine d'entrain.
"T'inquiète pas, je comprends, j'aurais dû venir te voir plus souvent, c'est ma faute." Il lui caressa la tête, un signe d'affection qu'elle appréciait particulièrement.
Lily s'engouffra dans son étreinte un instant puis lui attrapa les joues et les lui tira très fort.
"Aïe !"
"Je croyais qu'on s'était mis d'accord pour ne pas avoir de trop grandes attentes entre nous, je te connais et tu me connais et on sait tous les deux que dans des circonstances normales notre manière d'être ne nous permettrait pas d'être amis alors on s'est mis d'accord sur ça. Arrête de t'excuser, tu vas m'énerver !!"
Elle avait raison. Shauwn était un garçon qui ne connaissait rien à l'amitié et s'était fermé au fait de se lier à des personnes et d'avoir des amis. Ses approches amicales et son côté intéressé n'étaient parfois que des simulations alors que Lily était une introvertie qui préférait rester enfermée dans son monde et son espace sans intrusion.
Leur rencontre était fortuite et Lily n'aurait jamais cru s'intéresser à partager des liens avec quelqu'un. Mais ce jour-là, il était vrai, sans filtre et sans simulation. Shauwn, au début, était réticent, mais elle s'en fichait et continuait de se heurter à ce mur invisible jusqu'à ce qu'il cède. C'est de là qu'ils ont commencé à s'entendre, à partager leur avis sur leurs centres d'intérêt : la lecture, le bricolage.
Parfois, elle le poussait à essayer la peinture qui était sa passion, Shauwn, lui, l'initiait à comment prendre soin de son corps et à se défendre. Plus le temps passait, plus l'attachement et le lien qui les liaient se renforçaient, alors ils ont décidé de mettre un mot sur leur relation ainsi que des accords.
Claire était plutôt jalouse de la proximité qu'il y avait entre les deux, combinée au fait que Lily était très tactile avec lui, cela la rendait folle. Elle se calma car elle n'y pouvait rien : si elle essayait d'être aussi agressive, Shauwn allait la rejeter et elle ne pouvait pas encore s'y résoudre.
Les regarder augmentait son animosité alors elle préféra faire ce pour quoi elle était venue : sécuriser le transport des œuvres de Lily. Alors, elle se dirigea hors de la pièce chercher ses instruments.
L'atelier de Lily ressemblait presque à une scène de crime, de longs draps recouvraient la pièce tachée de peinture multicolore de manière sauvage et irrégulière. Il y avait deux plans de travail opposés : sur l'un étaient posés tous les instruments nécessaires à la peinture et en dessous les pots eux-mêmes.
Le second plan était plus propre, mieux rangé, où étaient disposés les médiums qu'elle utilisait et, à côté, des œuvres couvertes. Au milieu de la pièce se trouvaient trois chevalets sur lesquels étaient disposés trois tableaux.