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Chapter 44 - Le Mur de Verre

**Le Mur de Verre**

Je m'appelle Thomas.

J'ai trente-cinq ans.

Et depuis quinze ans, je vis derrière un mur de verre.

Pas un vrai, bien sûr.

Un invisible.

Que j'ai construit moi-même, brique par brique.

Enfant, on m'a élevé pour réussir.

Père absent, mère exigeante.

« Ne pleure pas. »

« Ne montre rien. »

« Gagne. »

J'ai appris tôt : les émotions, c'est une faiblesse.

Les gens, c'est un risque.

Alors j'ai fermé.

Tout.

Au lycée, j'étais le premier de la classe.

À la fac, le major.

Au boulot, le cadre qui monte vite.

On me dit : « T'es impressionnant. »

« T'es calme, toujours maître de toi. »

Je souris.

Poliment.

Calculé.

J'ai une collègue, Sarah.

Elle rit fort.

Elle pose des questions perso.

« Ça va, Thomas ? Vraiment ? »

« T'as quelqu'un dans ta vie ? »

Je réponds : « Tout va bien. »

« Je suis concentré sur le travail. »

Elle insiste parfois : « T'es sûr ? On dirait que t'es... loin. »

Un soir, après une grosse présentation gagnée, elle m'invite à boire un verre.

Avec l'équipe.

J'y vais.

Pour les apparences.

On boit.

On rit.

Elle s'approche.

« Thomas, je veux savoir.

Qu'est-ce qui se passe dans ta tête ?

Vraiment. »

Je la regarde.

Longtemps.

Je pourrais mentir.

Comme toujours.

Mais quelque chose craque.

Très légèrement.

Je dis : « Je veux juste une vie tranquille.

Pas de complications.

Pas d'attaches. »

Elle fronce les sourcils.

« Tu m'as aidée sur le projet.

Pourquoi, si t'attaches pas ? »

Je hausse les épaules.

« Parce que ça servait l'équipe.

Et que t'es compétente. »

Elle secoue la tête.

« Non. T'es pas comme ça.

T'as un cœur, quelque part.

Qui es-tu, vraiment ? »

Je sens le mur trembler.

Pour la première fois.

Je me lève.

Je dis calmement :

« Je t'aiderai à avancer dans la boîte, comme promis.

Mais ne fouille pas dans ma vie.

C'est mieux comme ça.

Pour tout le monde. »

Je pars.

Elle reste là.

Blessée, peut-être.

Mais protégée.

Dehors, il pleut.

Je marche seul.

Je touche le mur de verre.

Il est froid.

Solide.

Intact.

Je me dis que c'est mieux ainsi.

Pas de douleur.

Pas de perte.

Mais au fond,

très au fond,

je sais que je mens.

Parce que derrière le verre,

il n'y a plus personne pour me voir.

Même pas moi.

**FIN.**

Parfois, la plus grande victoire

est de ne rien sentir.

Mais c'est aussi

la plus grande prison.

🤍

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