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— Pourquoi… vous me parlez de cette façon ?
James la fixa quelques secondes, son regard sombre accrochant le sien.
— Parce que j'essaie de comprendre qui vous êtes. Et parce que… malgré moi, j'ai envie de le savoir.
Kate sentit son cœur se serrer. Elle baissa la tête à nouveau, mal à l'aise sous l'intensité de ses yeux.
— Vous… devriez retourner à vos dossiers, murmura-t-elle.
Il eut un sourire bref, presque tendre mais masqué par son ironie habituelle.
— Et vous, à vos rêves. Si vous y arrivez.
Puis il se détourna, reprenant sa place derrière son ordinateur, comme si rien ne s'était passé. Mais Kate savait qu'il y avait eu un échange, un vrai.
Elle recula doucement, et avant de fermer la porte, elle osa lui dire :
— Bonne nuit… James.
Il ne leva pas les yeux, mais ses lèvres esquissèrent un sourire imperceptible.
— Bonne nuit, Kate.
Le soleil filtrait à travers les rideaux épais de la chambre. Kate ouvrit lentement les yeux, encore engourdie par sa nuit agitée. La maison était silencieuse, mais ce silence avait quelque chose de pesant, presque solennel.
Elle se leva, passa une robe légère et noua ses cheveux à la hâte. Elle hésita un instant devant la porte… puis décida de descendre.
En bas, l'odeur du café embaumait déjà. La salle à manger baignait dans une lumière dorée. Simon était installé au bout de la table, un journal à la main, l'air faussement absorbé. Maggie sirotait son thé, le regard dur comme la veille. Jack, fidèle à lui-même, se contentait de picorer dans son assiette sans un mot.
— Oh, mais voilà notre invitée, lança Simon d'un ton mielleux en pliant son journal. Vous avez bien dormi, Kate ?
Elle hocha la tête timidement, s'installant à une place libre.
— Oui… merci.
Maggie, sans lever les yeux de sa tasse, ajouta :
— Tant mieux. Une bonne nuit de sommeil n'efface pas tout, mais ça aide à supporter le reste.
Kate serra discrètement sa cuillère. Elle ne répondit pas.
C'est à ce moment que James entra, encore légèrement décoiffé, une tasse de café fumante à la main. Contrairement aux autres, il ne fit pas semblant : son regard accrocha directement celui de Kate.
— Vous êtes levée tôt, fit-il remarquer en s'asseyant près d'elle, une pointe d'ironie dans la voix. Je vous imaginais plutôt du genre à vous cacher sous les couvertures.
Elle le fixa, un peu piquée, mais se contenta de répondre doucement :
— Et vous, je vous imaginais incapable de sourire avant votre deuxième café.
Un éclat, subtil, passa dans les yeux de James. Simon, amusé, ricana dans sa barbe.
— Intéressant… La petite a de la répartie, après tout.
Kate rougit, mais baissa la tête vers son assiette. James, lui, se contenta d'un léger sourire satisfait, comme s'il avait gagné une joute invisible.
Maggie claqua doucement sa cuillère contre sa soucoupe.
— Trêve de bavardages. Nous avons des obligations aujourd'hui, et je ne tolérerai pas de retard.
James leva son regard vers elle, faussement docile :
— Bien sûr, mère. Comme toujours.
Il termina sa tasse d'un trait, puis se tourna vers Kate.
— Et vous, Kate ? Vous comptez rester enfermée toute la journée, ou bien découvrir un peu Londres ?
La question, posée devant tout le monde, la surprit. Elle hésita, sentant le poids des regards sur elle.
— Je… je ne sais pas.
James haussa les épaules.
— Alors je déciderai pour vous.
Un silence suivit. Maggie fronça les sourcils, Simon observait la scène avec amusement, et Jack, imperturbable, continuait à manger.
La voiture s'engagea dans les rues animées de Londres. Kate, le front posé contre la vitre, observait la ville défiler sous ses yeux : les façades anciennes mêlées aux vitrines modernes, la foule pressée, les taxis jaunes. Tout lui semblait à la fois oppressant et fascinant.
James, assis à côté d'elle, conduisait d'une main, l'autre posée nonchalamment sur le volant. Il jetait parfois un coup d'œil vers elle, un coin de sourire accroché à ses lèvres.
— Vous avez toujours cet air d'enfant qu'on emmène pour la première fois à la foire, fit-il remarquer.
Kate rougit légèrement.
— Je n'ai pas beaucoup voyagé…
Il haussa un sourcil.
— Eh bien, il était temps.
Le ciel était clair, et le soleil, timide, glissait entre les bâtiments de briques rouges et les façades modernes. Kate suivait James, encore un peu intimidée, admirant les petits cafés, les librairies et les boutiques chics qui bordaient les ruelles pavées.
— Regardez ces ruelles, dit James en désignant un passage étroit. Vous ne les trouvez pas charmantes ?
— Oui… c'est différent de ce que je connais, murmura Kate. Tout semble vivant.
Ils s'arrêtèrent devant un petit café au style victorien, où l'odeur du café fraîchement moulu se mêlait à celle des pâtisseries. James sourit et la fit entrer.
— Essayez ça, dit-il en lui tendant une petite tartelette à la crème anglaise. C'est une spécialité locale, la meilleure que je connaisse.
Kate prit une petite bouchée, les yeux brillants de surprise.
— C'est délicieux… je n'ai jamais goûté quelque chose d'aussi crémeux.
James ricana.
— Je savais que ça vous plairait. Mais attention, vous allez finir par m'adorer pour mes goûts culinaires.
Après cette halte, ils reprirent leur promenade à pied. Ils traversèrent des rues bordées de lampadaires anciens, passèrent devant des marchés où les fleuristes exposaient des roses, des jacinthes et des lys dans de grandes corbeilles. Kate respirait profondément, laissant les senteurs la surprendre et la ravir.
— Vous aimez marcher ? demanda James.
— Oui… ça me change. Je n'ai pas souvent l'occasion de découvrir une ville à pied.
— Et vous risquez de tomber sur des endroits encore plus intéressants si vous suivez mon rythme.
Ils s'arrêtèrent devant une boutique élégante, aux vitrines éclairées qui mettaient en valeur des robes raffinées. James sortit le premier, contourna la voiture, et ouvrit la portière pour Kate.
— Venez.
Elle hésita, les yeux rivés sur l'enseigne luxueuse.
— Pourquoi ici ?
Il eut un léger rire.
— Parce que vos robes… comment dire… respirent la simplicité. Ce n'est pas un défaut, mais… vous êtes à Londres, pas dans une petite campagne oubliée. Si vous devez rester dans cette maison, autant que vous soyez à la hauteur du décor.
Elle le regarda, surprise par sa franchise.
— Mes vêtements vous dérangent tant que ça ?
Il plongea son regard dans le sien, mi-sérieux, mi-amusé.
— Pas moi. Mais croyez-moi, vous attirerez moins de jugements… et moins de piques de Simon ou de ma mère.
Un silence. Kate baissa légèrement les yeux, touchée malgré elle par cette attention déguisée.
— Vous n'aviez pas besoin de faire ça.
James haussa les épaules, faussement désinvolte.
— Peut-être que si. Allez, entrez. Considérez ça comme… un investissement.
Elle esquissa un petit sourire.
— Un investissement ? Vous parlez comme si j'étais une entreprise.
Il ricana doucement.
— Vous êtes beaucoup plus imprévisible qu'une entreprise.
Kate finit par le suivre dans la boutique. Les vendeuses, élégantes et souriantes, les accueillirent aussitôt. James croisa les bras, s'adossa au comptoir, et la laissa choisir, tout en l'observant avec un mélange d'intérêt et de provocation silencieuse.
— Allez-y, essayez ce que vous voulez. Je juge après.
À l'intérieur, les robes et tailleurs étaient suspendus avec soin. Kate en choisit une simple mais élégante, la portant devant un miroir.
— Pas mal, commenta James, croisant les bras. Mais vous méritez mieux qu'un basic. Essayez celle-là.
Il lui tendit une robe de coupe audacieuse, couleur rubis, et Kate l'enfila. James se redressa légèrement, visiblement impressionné :
— Hmm… ça, c'est… beaucoup mieux. Vous voyez la différence ? Ce genre de couleur vous va mieux, elle illumine votre teint.
— Vous êtes sûr ? demanda Kate, hésitante.
— Absolument. Croyez-moi, vous ne pouvez pas vous tromper avec ça.
Chaque essayage était ponctué d'observations de James, parfois sarcastiques, parfois sincères, mais toujours captivantes pour Kate. Il ne se privait jamais d'un petit commentaire piquant :
— Pas mal… mais cette coupe… vous ressemble un peu trop à une institutrice.
— Alors on essaie autre chose ? souffla Kate en souriant timidement.
— Exactement.
Au fil de la matinée, ils passèrent d'une boutique à l'autre, riant et discutant de tout et de rien. James partageait ses impressions avec franchise, et Kate, bien qu'un peu gênée parfois, appréciait sa spontanéité et son humour ironique.
— Je vois que vous êtes difficile à convaincre, murmura-t-il un moment.
— Je… je veux juste ne pas me tromper, répondit Kate doucement.
— Et vous ne vous trompez jamais, conclut James avec un sourire en coin.
Après plusieurs heures, chargés de sacs et de nouvelles tenues, ils quittèrent la dernière boutique, Kate tenant une robe qu'elle ne se serait jamais imaginée porter. La journée en ville, simple et élégante, avait réussi à briser un peu la distance entre eux, et les échanges piquants de James faisaient naître en Kate un mélange de fascination et de curiosité.
Le soleil commençait à décliner lorsque James et Kate prirent place dans sa voiture. Les sacs de shopping étaient posés à l'arrière, témoins silencieux de leur après-midi animé. Kate regardait par la fenêtre, observant les façades de Londres s'éloigner doucement.
— Alors, mission shopping accomplie ? demanda James, la voix teintée d'ironie.
— Oui… merci pour tout, murmura Kate, encore un peu intimidée.
James esquissa un sourire en coin.
— Je dois dire, vous vous débrouillez plutôt bien pour quelqu'un qui n'a jamais mis les pieds dans ces rues. Mais je suppose que ça aide d'avoir une bonne guide… enfin, moi.
Kate secoua la tête, un sourire timide aux lèvres.
— Guide ou critique ? Vous n'êtes pas tendre.
— Oh, mais je le suis toujours, lança-t-il en haussant les épaules, comme si c'était une évidence. Et puis, il faut bien que quelqu'un vous empêche de choisir des horreurs.
Elle rit doucement, malgré elle.
— Vous êtes impossible.
James se pencha légèrement vers elle, son regard brillant d'un éclat amusé :
— Impossible ? Peut-être… mais efficace. Et puis, je vous trouve un peu trop docile, vous savez. Je devrais vous défier un peu plus.
— Je… je ne sais pas si je suis prête pour ça, répondit Kate en détournant légèrement le regard.
— Oh, ne vous inquiétez pas. Je suis patient… enfin, autant que possible. Vous verrez, j'ai mes méthodes, dit-il avec un sourire moqueur.
La conversation glissa alors vers des sujets plus légers : la ville, les endroits qu'elle aimait enfant, ses souvenirs de sa petite maison, et parfois des anecdotes sur Londres que James partageait avec ironie et amusement. Chaque échange creusait un peu plus cette complicité fragile mais déjà palpable entre eux.
— Et vous… vous avez toujours vécu dans cette ville ? demanda Kate.
— Non, je voyage beaucoup, répondit-il. Mais je dois dire que Londres a quelque chose de spécial, surtout quand on la parcourt avec… vous.
Kate rougit légèrement, surprise par sa remarque. James remarqua son émotion et fit mine de ne pas y prêter attention, bien qu'un sourire discret se dessine sur ses lèvres.
Lorsque la villa apparut enfin, imposante au détour de l'avenue, Kate sentit un léger frisson d'appréhension. Les souvenirs de l'accueil hostile l'assaillaient encore, mais James, remarquant son inquiétude, lui lança :
— Ne vous faites pas de films. On va juste… déposer ces sacs et vous installer. Et je vous préviens, j'ai encore quelques petites piques en réserve pour vous.
— Je n'en doute pas, murmura Kate en descendant de la voiture, un mélange de nervosité et d'amusement dans la voix.
James l'accompagna jusqu'à l'entrée, puis Monsieur Palmer les rejoignit pour l'aider avec les sacs. Kate entra dans la villa, portant ses nouvelles tenues et cette sensation étrange d'être observée, mais un peu moins seule qu'avant.
— Voilà, dit James en ouvrant la porte de sa chambre. Vous pouvez vous installer et… essayez de vous reposer. Demain, vous aurez une nouvelle journée devant vous… et je compte bien continuer à vous taquiner.
Kate sourit faiblement, reconnaissante mais encore intimidé par cet homme à la fois irritant et fascinant. Elle s'installa sur le lit, laissant échapper un soupir.
— Merci… pour tout, murmura-t-elle.
— Ne me remerciez pas encore, je ne fais que commencer, répondit James en quittant la pièce, un sourire en coin