Cherreads

Chapter 20 - Chapitre 20

--- Ne sois pas impulsif, d'accord ? 

dit le chef des ravisseurs en s'adressant à M. Carl, la voix tremblante malgré lui. Carl tient un couteau pressé contre la gorge d'un des hommes ; la lame brille faiblement sous la lumière blafarde de la pièce. Loin de se laisser intimider, Carl fixe l'otage principal et répond d'un ton froid :

— Libère ces deux-là, sinon je lui tranche la gorge.

Le chef tente de raisonner, mais ses arguments sonnent creux face à la détermination de Carl.

— Non, non, réfléchis-y à deux fois ! Pas besoin d'en arriver là, pas besoin de te salir les mains avec notre sang, n'est-ce pas ? implore-t-il, cherchant encore une sortie.

Carl avance le couteau, son regard ne lâche pas l'homme qu'il tient. Un filet de sang perle au coin du cou du ravisseur ; la coupure n'est pas profonde, mais l'intention est nette. Sa voix est sèche :

— Assez bavardé. Libère-les ou je lui tranche le cou !

La peur fige le ravisseur que Carl menace. Il tremble à tel point qu'un bruit embarrassant trahit sa terreur. Les mots se bousculent, suppliants :

— Frère ! Frère ! Sauve-moi ! Sauve-moi, je t'en supplie ! crie-t-il en s'accrochant à l'espoir d'une intervention.

Je me précipite pour soutenir Rensley, l'aider à se lever. Ses jambes vacillent encore, mais je le guide, serrant son bras pour qu'il ne cède pas. Carl ne relâche pas sa prise ; le couteau reste collé au cou du ravisseur comme une menace immobile. Rapidement, je m'occupe des gardes : je défais les nœuds qui leur entravent les poignets, un par un. Ils sont encore sonnés, désorientés, mais prêts à retrouver leur contenance. Bientôt, nous sommes tous rassemblés près de Carl et Rensley. Les ravisseurs hésitent à intervenir ; ils savent que l'un des leurs est la cible immédiate et qu'un faux pas pourrait tout compromettre.

Carl reprend la parole d'un ton implacable :

— Soit tu nous laisses partir, moi et les autres, ou bien je tranche le cou de ton cher frère.

Le chef des ravisseurs se débat entre raison et panique. Finalement, la peur l'emporte sur l'orgueil.

— Ne sois pas impulsif, vous pouvez partir, épargne-lui la vie. Laissez-le et vous pouvez partir, concède-t-il, la voix brisée.

Je serre Rensley contre moi, et ensemble avec Carl nous reculons lentement vers la sortie, sans jamais relâcher la pression. Chaque pas est mesuré ; chaque souffle compte. Le plan est simple : sortir vite, profiter du désordre, disparaître. Nous sommes presque à la porte lorsqu'un mouvement dans l'angle de la cour attire mon attention. Une ombre se détache, se déplace avec une rapidité inquiétante vers nous. Avant que je ne puisse crier, un des ravisseurs s'élance, brandissant un bâton lourd et épais.

Je sens la menace avant de la voir vraiment. Sans hésiter, je pousse Rensley en arrière pour le dégager. Mais l'espace est court ; je ne peux pas me retirer complètement. Le bâton atteint ma tête avec une violence sourde. La douleur explose, blanche et brutale, et la lumière se fend en éclats. J'entends la voix de Rensley, un mélange d'angoisse et d'incrédulité :

— Lidjy !

Puis tout s'éteint.

Quand je reviens à moi, je suis sur un lit d'hôpital. La pièce sent l'antiseptique et le silence est plein de bruits feutrés : pas de pas précipités, seulement le cliquetis régulier d'un appareil. Mon esprit cherche des repères, tente de recoller les morceaux ; mais mes souvenirs restent flous, comme des fragments qu'on aurait froissés.

J'ouvre lentement les yeux. La lumière m'aveugle, douce mais trop vive à la fois.

L'odeur de désinfectant flotte dans l'air, froide, presque étouffante.

Je sens le tissu rêche du drap contre ma peau, et le silence autour de moi semble peser.

Puis, à ma gauche, j'aperçois un homme.

Il est assis près de moi, le menton appuyé sur sa main, visiblement épuisé.

Ses paupières lourdes tremblent, comme s'il luttait contre le sommeil.

Je me demande qui il est, et surtout, pourquoi il se trouve là.

Mais avant même que je puisse chercher une réponse, je sens quelque chose.

Sa main.

Elle enlace la mienne avec une tendresse qui me trouble.

Mon cœur bondit. Instinctivement, je retire ma main d'un geste brusque.

Le mouvement le réveille. Il sursaute, ses yeux s'écarquillent, pleins d'inquiétude.

— Lidjy ! Ça va ? Tu as mal quelque part ?

Sa voix tremble. Il se lève précipitamment, appelle à l'aide :

— Docteur ! Docteur ! Infirmière ! Le patient s'est réveillé !

Je le regarde, déconcertée. Ses mots se perdent dans le bourdonnement qui envahit ma tête.

Je fronce les sourcils, confuse, et lui demande :

— Qui es-tu ? Pourquoi suis-je ici ? Et pourquoi es-tu à mes côtés ?

Il se fige. Son regard se voile d'une tristesse étrange.

Puis, d'une voix tremblante, il murmure :

— Lidjy… tu ne me reconnais plus ? Je suis Rensley. Ne me fais pas ça, s'il te plaît.

Avant que je ne réagisse, il s'approche et m'enlace.

Un contact chaud, pressant, trop familier.

Mais je le repousse aussitôt, violemment.

— Qui es-tu, toi ? dis-je, la voix tranchante.

Tu ne sais pas que les hommes et les femmes doivent garder leurs distances ?

Pourquoi m'embrasser ainsi ?

Tu sembles bien habillé, alors je suppose que tu n'es pas un voyou.

Alors, fais preuve de retenue !

Il reste figé, les yeux écarquillés, blessé.

Ses lèvres tremblent comme s'il voulait parler, mais aucun mot ne sort.

Le silence retombe, lourd, presque douloureux.

Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvre.

Un médecin entre, un dossier à la main.

Son regard passe de moi à l'homme, puis revient sur moi.

Il soupire doucement avant de dire d'un ton grave :

— Elle souffre d'amenésie post-traumatique. Le choc à la tête a causé un traumatisme crânien léger,une perte de mémoire temporaire.

Rensley baisse les yeux, ses doigts se serrent.

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

demandé-je, un peu perplexe et curieuse, aux deux hommes qui se tiennent non loin de mon lit. J'y suis allongée, la tête légèrement douloureuse, cherchant à comprendre ce qui se passe.

Le docteur s'approche doucement de moi et me répond d'un ton rassurant :

— Ne t'inquiète pas, madame Dupont, tout va bien, vraiment. C'est juste que tu souffres d'une amnésie post-traumatique, d'accord ? Après avoir reçu un coup à la tête, tu t'es retrouvée ici. Voilà tout !

— Oh… je vois, dis-je, un peu déconcertée, en le fixant avec attention.

Mais il continue, toujours avec ce ton apaisant :

— Ce n'est pas trop grave, d'accord ? C'est…

Je l'interromps aussitôt, sans même le laisser terminer :

— Si ce n'est pas trop grave, alors c'est quand même un peu grave, non ?

Les deux hommes échangent un regard perplexe, comme s'ils hésitaient à rire ou à s'inquiéter. Le docteur finit par reprendre la parole, un léger sourire au coin des lèvres :

— Ce n'est pas ce que je voulais dire. Ce n'est pas grave du tout, d'accord ? Maintenant, tu as compris ?

Je soupire, puis souris à mon tour :

— Oui, oui, merci, t'inquiète. Là, c'est la bonne phrase !

Il hoche la tête, satisfait, puis se tourne vers la porte :

— Très bien. Je te laisse te reposer. Je me retire, monsieur Luc.

Mais avant qu'il ne sorte, l'autre homme, resté silencieux jusque-là, l'interpelle :

— Un instant, docteur, s'il vous plaît !

— Oui, dites-moi, répond le médecin en se retournant.

Ils échangent un regard rapide, puis sortent tous les deux de la pièce. La porte se referme derrière eux dans un léger claquement.

Je reste seule dans la chambre, les yeux fixés sur le plafond. Le silence m'enveloppe. Je tente de rassembler mes souvenirs, mais rien ne vient. Juste ce vide, ce brouillard dans ma tête. 

Luc :

— Est-ce grave ?

Docteur :

— Non, ne vous inquiétez pas. C'est juste temporaire.

Luc :

— Quand pourra-t-elle sortir de l'hôpital ?

Docteur :

— Demain matin, si Dieu le veut, elle pourra quitter l'hôpital. Mais elle devra revenir dans deux jours pour quelques examens complémentaires.

Luc :

— D'accord, merci docteur.

Docteur :

— C'est ce que je devrais faire, pas besoin de me remercier, c'est mon boulot.

Le médecin s'éloigne dans le couloir, laissant Luc seul devant la porte. Il inspire profondément, puis entre à nouveau dans la chambre.

Il s'approche lentement du lit, tire la chaise et s'assoit juste à côté de moi. Ses mains tremblent légèrement. Il les essuie nerveusement sur son pantalon, comme pour chasser une tension qu'il ne parvient pas à contrôler. Son regard fuit le mien, mais tout dans son expression trahit qu'il a quelque chose à dire… sans savoir comment commencer.

Le silence devient presque lourd. Seule la respiration régulière des appareils médicaux rompt ce calme. Puis, presque au même instant, nos voix se croisent :

— Tu as mal quelque part ?

Nous nous figeons, surpris d'avoir parlé en même temps. Un léger sourire étire mes lèvres. Il baisse la tête, gêné, avant de la relever.

— Tu parles le premier, dis-je doucement.

Il hésite, ouvre la bouche, puis la referme aussitôt. Ses yeux brillent d'une émotion qu'il tente de cacher. Je sens qu'il retient quelque chose d'important, peut-être une vérité que je ne suis pas encore prête à entendre.

Le silence revient, fragile, comme suspendu entre nous deux.

— Toi d'abord !

disons-nous presque en même temps, chacun refusant de parler le premier.

Un court silence s'abat dans la pièce, épais, presque gênant. Luc baisse les yeux, passe une main dans ses cheveux, puis finit par briser le calme :

— Tu veux manger quoi ?

Je le fixe, surprise par sa question.

— Qui es-tu ?

— Moi ? réplique-t-il, un peu pris de court.

— Bien sûr, toi ! insisté-je, curieuse.

Il sourit, puis me regarde droit dans les yeux.

— Tu es ma femme. Ma vie. Mon ange. Ma princesse. Tout ce que je ne voudrais jamais perdre...

Je lève les mains, interrompant son élan.

— Wow, wow, wow ! Arrête ça là !

Il me fixe, surpris, et je continue, la voix ferme :

— J'ai horreur des flatteries ! J'aime les mots sincères, ceux qui viennent du cœur. Les flatteries, ce sont des compliments excessifs faits juste pour plaire. Et moi, je déteste ça !

Luc me regarde un instant, puis esquisse un sourire.

— T'es sérieuse là ?

— Très sérieuse.

— D'accord, madame la sincérité ! Va te coucher maintenant. On sortira de l'hôpital demain.

— Tu ne m'as toujours pas dit qui tu es.

— Mais je te l'ai dit : tu es ma femme !

— Sommes-nous mariés ?

— Pas encore, répond-il en haussant les épaules.

— Alors comment suis-je devenue ta femme ? Ne me dis pas que…

— Que quoi ?

— Que tu m'as kidnappée ! T'es un voyou ou quoi ?

Il éclate de rire.

— À quoi tu penses ? Tu es ma copine, et aussi ma secrétaire personnelle.

— Ah bon ? Et comment peux-tu le prouver ?

— Facile. Regarde ça.

Il sort son téléphone de sa poche, fait défiler quelques images, puis me tend l'écran.

— Regarde, ce sont nos photos de couple. Et là, on est en voyage d'affaires. Tu vois ?

Je plisse les yeux, observant les images. On y voit effectivement une femme qui me ressemble… souriante, proche de lui. Tout semble vrai, mais je ressens pourtant une étrange distance, comme si ce n'était pas moi.

— Vivons-nous ensemble ? demandé-je, intriguée.

— Oui.

— Ensemble… dans la même pièce ?

— Bien sûr que oui !

— Quoi !?

— Quoi ? Tu veux pas ? dit-il en souriant malicieusement.

— Moi ? Euh...

— Ne me dis pas que t'es timide ? lance-t-il sur un ton taquin.

Je redresse la tête, faussement fière :

— Non, non ! Timide, moi ? De quoi ? De qui ? Pourquoi ? Non, non, moi, Maylidjy, timide ? C'est impossible !

Il rit doucement.

— Alors vas te coucher. Demain, on rentre à la maison.

Je l'observe un instant, puis demande :

— Et toi ? Tu feras comment pour dormir ?

— Je veillerai sur toi ce soir, dit-il simplement.

— D'accord.

— Allez, dors maintenant. Bon sommeil.

Je hoche la tête.

— Bonne nuit.

Il s'approche, m'embrasse doucement sur le front, puis ajuste ma couverture avec précaution. Ses gestes sont tendres, précis, presque familiers. Il reste là, assit à me regarder.

Une chaleur étrange m'envahit. Ce n'est pas de la peur, ni de l'amour. Plutôt un sentiment de sécurité, un calme inattendu. Je ne comprends pas pourquoi, mais je me sens bien avec lui. Peut-être parce que, malgré mon amnésie, quelque chose en moi reconnaît sa présence.

Mes paupières se ferment lentement. Dans le silence de la chambre, je sens son regard sur moi, attentif, protecteur. Et, sans savoir pourquoi, je m'endors avec la sensation que, même si ma mémoire m'a quittée, je ne suis pas totalement perdue.

More Chapters